Amandine Belotte | Champs d’horreurs

Champs d'horreurs

Dans la contemplation de paysages, celui dont la vue est la plus belle est presque toujours celui qui est le plus intéressant dans un raisonnement de tactique militaire.

A l’heure des grandes commémorations de batailles, les paysages sont les témoins silencieux de grandes atrocités. Si certains conservent des traces du passage des soldats, d’autres nous transportent métaphoriquement vers la mémoire de ceux qui se sont sacrifiés.

Juin 1815 – De retour de l’île d’Elbe, Napoléon imaginait reprendre entièrement le pouvoir. Face aux Alliés à Waterloo, cette bataille marquera la fin des guerres napoléoniennes et provoque sa chute définitive.
Waterloo, morne plaine, écrivait Victor Hugo, vingt cinq mille corps au sol, morts ou blessés, sans compter les chevaux dans le même état.

Cent ans plus tard, c’est l’Europe entière qui est terrain d’atrocités de même ampleur. On creuse en Belgique et dans le nord de la France des tranchées à la hâte, les troupes françaises, britanniques et belges défendent leurs lignes face aux assauts répétés des allemands.

16 décembre 1944, l’offensive allemande attaque par surprise sur le plateau de Bastogne. Durant plus d’un mois, la forêt ardennaise est l’hôte de cris, de hurlements, de plaintes, d’une destruction inimaginable.

Tout le champ de bataille de Waterloo, trempé de pluie et de sang, pétri avec la moisson de seigle et de maïs, par les pieds des chevaux, ressemblait à une espèce de pâte.

Il présentait alors à l’œil vingt-cinq mille morts et blessés au moins, et un plus grand nombre de chevaux dans le même état. La terre était jonchée d’armes, de selles, de brides, de sacs, de vêtements divers, de débris de cartouches, de livrets militaires, etc.
Le lendemain on consuma sur des bûchers dressés à la hâte, et l’on enterra dans des espèces de tranchées qui traversent le champ de bataille, les corps qui semblaient ne plus respirer, sans s’informer bien strictement s’ils n’auraient pas pu être ramenés à la vie.

J.-B. Decoster cabaretier-paysan de la région. Enrolé contre son gré comme Guide par Napoléon

C’est un chaos inimaginable, une mer de trous d’obus aux vagues jaunes-brunâtre qui semblent figées…
Un paysage lunaire avec ses vastes cratères jointifs. Aussi loin que la vue peut s’étendre, ce moutonnement se poursuit.

De suite, c’est un spectacle d’horreur et d’abomination :
couchés sur le ventre ou sur le dos, entassés dans des entonnoirs, à genoux, assis,… partout des cadavres en décomposition.

Derrière une sorte de parapet étroit, trois guetteurs ont été surpris par la mort. Des casques, des armes, des équipements ça et là, un pied botté, un bras, une tête sortant de terre réduits déjà à l’état de squelette.

Henri Libermann – 20ème Régiment d’Infanterie à Verdun

La neige est tombée tout l’hiver, elle ensevelit les vivants et les morts derrière le rideau des forêts et le silence de la tragédie.

Sans matériels, presque sans munitions et sans vêtements chauds, nous étions retranchés sur une crête dans une rangée d’arbres.
Les Allemands le savaient, et ils nous ont mis la pâtée. L’épais brouillard empêchait le ravitaillement. Quand ils essayaient, ils larguaient à côté et cela profitait aux Allemands.

Heureusement, il gela, c’est sans doute grâce à cela que l’on pu éviter les épidémies. Pendant des semaines des cadavres restèrent sur les champs, saisis par le froid intense. Souvent il n’en restait que des débris, car les chiens errants et les porcs affamés, redevenus sauvages, s’attaquaient aux dépouilles qui traînaient.

Vétérans de la Easy Company
506ème régiment d’infanterie parachutiste de la 101e division aéroportée américain à Bastogne

Exposition solo à la Galerie 360° de Braine-l’Alleud.
Du 18 novembre 2014 au 17 décembre 2014.

Vernissage dans le cadre du lancement du festival Cinémuziek en présence de Madame Marie-Anne Hatert-Marloye, échevine de la culture à Braine-l’Alleud